À Varengeville-sur-Mer, le pigeonnier du manoir d’Ango est certainement le plus beau et le plus connu de la Normandie. Résidence d’été d’un puissant armateur dieppois du XVIe siècle, le manoir d’Ango est un bijou architectural très bien conservé.
Le palais d’été de Jean Ango
Jean Ango, armateur et négociant dieppois du XVIe siècle, fait poser les premières pierres de sa résidence d’été en 1532. Son père avait participé financièrement aux voyages de Jean Parmentier, en Chine et à Terre-Neuve. Héritier d’une fortune familiale qu’il fait croître à son tour, Jean Ango est un marin normand au sens du commerce très aiguisé. À son service, de nombreux capitaines et corsaires font trembler la flotte espagnole et portugaise. En 1523, l’un deux, Jean Fleury, met la main sur le trésor de Cortès, dernier empereur aztèque. De l’or à la vaisselle d’argent en passant par les statues, la prise est restée gravée dans l’histoire de la piraterie. La popularité et la richesse de Jean Ango amènent de nombreux capitaines à vouloir travailler pour lui. Certains connaissent un sort funeste, comme Giovanni da Verrazzano qui finit mangé par des indigènes anthropophages. Jean Fleury lui-même sera pendu par les Espagnols, en signe de représailles. Malgré tout, Jean Ango continue de s’enrichir et devient de son vivant l’un des hommes les plus fortunés du royaume de France. Si le manoir d’Ango est toujours debout aujourd’hui, sa maison dieppoise a disparu à la fin du XVIIe siècle. Surnommée « La Pensée », elle exhibait sans complexes les plus beaux trésors dérobés par la flotte de Jean Ango aux quatre coins des mers du globe.
Le manoir d’Ango de François Ier à André Breton
En 1534, le roi François Ier est de passage à Dieppe. Jean Ango l’accueille en personne. Un riche banquet est donné chez lui pour impressionner le monarque de sa richesse et de son statut d’armateur à succès. Le négociant ira jusqu’à faire préparer six nefs pour emmener François Ier en mer. Surtout, il ne manque pas de lui faire visiter son nouveau manoir, dernier caprice et dernière folie de l’armateur normand. Inspiré des villas toscanes de la Renaissance, le domaine ne manque pas d’éblouir le roi. Posté au milieu de jardins luxuriants, le domaine sert également de ferme. Quatre siècles plus tard, il inspire les écrivains surréalistes, dont Louis Aragon et André Breton. Ce dernier y séjourne pour rédiger l’un de ses romans les plus applaudis par la critique : Nadja, en 1927. Le pigeonnier du manoir est l’une des structures les plus impressionnantes du domaine. Pas moins de 3 200 volatiles peuvent y être accueillis, signe de la démesure du lieu.
La renaissance d’un manoir oublié
François Ier revient fasciné de sa visite du manoir d’Ango. Il décide de nommer Jean Ango Conseiller du Roi pour les affaires maritimes. En 1544, l’armateur normand gère à ses frais l’armement de la flotte du roi en préparation d’une attaque de l’Angleterre. Mais la réalité rattrape le négociant dieppois. Criblé de dettes et ayant à faire face à de nombreux procès, il meurt en 1551. Laissé à l’abandon, son manoir n’est plus qu’une simple ferme provinciale. Pendant la Révolution française, un incendie se propage sur le site, le fragilisant encore plus. En 1862, le domaine est classé et il est repris en 1928 par la famille Hugot-Gratry. Depuis, toujours dans les mains de cette famille, la propriété a pu être restaurée et a ouvert ses portes au public.